any last advice ? stay alive.if we burn, you burn with us.
The day I was born …
Un cri déchire la nuit tandis qu’un autre s’éteint. Les braises rougeoyantes jettent sur la scène un halo apocalyptique nimbé d’une fumée étouffante qui vient se coller aux vitres de la petite masure. Dans la Veine, c’est le silence, on attend. Un signe de vie qui sera un signe de mort. Funeste destin qui celui qui naît avec la lourde conscience d’être l’enfant qui a tué sa mère. Idée martelé et sans cesse enfoncé dans le cerveau juvénile jusqu’à ce que la leçon soit apprise et imprégné. Du plus profond de son âme, Noah s’en est toujours voulu, à tort ou à raison ? Nul ne saurait le dire. Mais son paternel semble croire dur comme fer que son rejeton a causé la mort de sa femme et c’est quelque chose que jamais il ne pourra lui pardonner. Le dernier-né est un tueur et doit être traité comme tel selon lui. Certes, ce n’est pas l’avis de la communauté environnante, témoin de la grossesse douloureuse et difficile, mais le mal est fait.
Dans la cour de l’école résonne encore les cris de ses camarades et lui qui, au milieu, écoute. Il n’a jamais été très loquace. Il n’est pas non plus associable mais préfère s’isoler et observer avant de se lancer dans quoi que ce soit. Sa confiance est écorchée, à vif. Et surtout, il ne veut pas faire de mal autour de lui. Dans sa tête a germé l’idée que s’il s’approche un tant soit peu de ses camarades, ces derniers vont le blesser et l’humilier pour ce qu’il a fait. Une idiotie de gamin mais qui, implantée, endommage non seulement l’amour-propre mais aussi la confiance en soi. De la confiance, il n’en a pas. Ou bien une once mais envers ses parents les plus proches : son frère et sa sœur. Véritables héros de sa vie bien qu’il ait tendance à se disputer avec la dernière. Respectivement de cinq et trois ans ses aînés, ils sont tout ce qu’il a comme modèle.
The day I dicovered the world …
Noah est heureux aujourd’hui. Une large capuche dissimule ses traits et il baisse la tête, comme son frère l’a spécifié. Il tient la main de son aîné en serrant compulsivement les doigts, crispés d’angoisse mais transporté de joie. Il suit le rythme en trottinant à moitié mais jamais ne se plaint du rythme soutenu. Ils prennent la direction du sud en empruntant de nombreux détours pour que personne ne se doute de leur destination finale. Ils évitent la Plaque, sillonnent les petites rues, dépassent l’arrière-boutique de la boulangerie et soudainement se retrouve en pleine campagne. Si l’on peut appeler cela ainsi bien sûr. Ici, la zone est vide. Il n’y a rien entre eux et le grillage qui crépite doucement dans le vent. Soudain, une angoisse sans nom étreint le cœur de Noah qui lève les yeux vers son frère :
« Pourquoi ça fait ce bruit ? »Ses yeux se mouillent de larmes malgré lui. Il a peur sans vouloir avoir peur et déteste cette sensation de ne pas pouvoir contrôler ses pleurs. Il n’est plus un enfant, on le lui a assez répété mais il ne peut pas s’en empêcher. Il secoue la tête avec colère pour tenter d’évacuer sa frustration et, par la même occasion, sa trouille grandissante.
« Ca va s’arrêter bientôt. Et arrête de pleurer ça sert à rien, fais pas ta chochotte ou je t’emmène plus avec moi. »La menace a l’effet escompté et Noah serre les dents pour retenir les larmes qui coulent. Il veut trop bien faire, il veut que son frère soit fier de lui. Il ne demande qu’un peu de reconnaissance.
« Va y avoir des pacificateurs partout aujourd’hui… Alors tu reste avec moi. »« D’accord… »« Allez arrête de pleurer, on va ramener quelque chose de bien à Hayley ok ? »Noah acquiesce et se sèche les yeux.
Aujourd’hui est le jour de la moisson et Noah a supplié son frère pour venir avec lui de l’autre côté du grillage. Il veut ramener quelque chose à sa sœur, n’importe quoi pourvu qu’elle arrête d’avoir peur de la Moisson. Mission impossible mais il veut essayer, il veut pouvoir lui dire qu’elle compte pour lui. Il veut lui faire plaisir en ce jour sombre. Ethan a 18 ans, c’est la dernière année où son nom figure dans ceux pouvant être tirés. Mais Hayley, elle, a 13 ans. Trop jeune pour aller dans l’arène mais assez âgé pour être tiré au sort.
Ethan attend quelques instant, regarde à droite et à gauche alternativement. Personne en vue mais il se méfie. Les Pacificateurs sont fourbes et aujourd’hui ils vont être plus vigilants que d’habitude. Un déclic et plus un bruit ne vient du grillage devant eux. Le courant a du s’arrêter, comme souvent. Et c’est le moment.
Noah sent la main de son frère qui le serre comme jamais et il se met à courir sans regarder autour de lui, trop terrorisé qu’il est par cette aventure. Le grillage se rapproche et Ethan le pousse pour qu’il passe en premier. Il se faufile en-dessous prestement.
C’est à ce moment là qu’une voix retentit. Sans plus réfléchir, il tire sur la manche de son frère qui est en train de passer sans écouter la voix qui se fait de plus en plus impérieuse et menaçante. Il n’ose pas elver les yeux mais aperçoit du coin de l’œil l’uniforme des Pacificateurs et son sang ne fait qu’un tour : il attrape une pierre qui traîne et la lance de toutes ses forces sur celui qui les menace. Il n’entend rien sinon un choc sourd et n’ose toujours pas regarder. Il recommence son manège encore une fois.
« Allez cours, qu’est-ce que tu fais ? Reste pas là, cours. »Il lâche le caillou qu’il a dans la main et s’enfuit sur les talons de son frère.
Ils ne s’arrêtent tous deux que sous le couvert des arbres. Personne ne les suit. Apparemment, les autres ont trop peur de se prendre une décharge venue d’ailleurs. Ethan halète dans le dos de Noah et murmure :
« On y va maintenant »Et ainsi commence la plus grande passion de Noah pour la forêt. C’était son élément. Il s’y sentait chez lui sans bien savoir pourquoi mais c’était ainsi. Lui qui n’y avait jamais mis les pieds, il savait exactement où se mettre pour ne pas réveiller l’intérêt des féroces animaux sauvages. Bien qu’assez moyen au tir à l’arc ou à la fronde, il se découvrit un talent hors pair pour pister les animaux. Ce fut un instant de bonheur dans un monde de malheur. Soudainement, rien ne semblait avoir d’importance si ce n’est la frondaison des arbres hauts au-dessus de lui et le chant des oiseaux dans le lointain.
Il ramassa quelques cadeaux pour sa sœur : un caillou doré qu’elle admirerait sûrement, un morceau de résine durci avec un insecte à l’intérieur. Autant de petits trésors naturels qui lui redonnèrent goût à la vie.
Seulement, cette journée de bonheur fut entachée. Il ne pouvait en être autrement. A leur retour, la Moisson eut lieu. Leur sœur fut désignée comme tribut et elle perdit la vie dans les premiers jours qui suivirent son entrée dans l’arène. A 13 ans, elle était trop jeune et elle était la seule fille de la famille, personne ne put donc prendre sa place.
The day I died …
Le traumatisme de perdre un membre de sa famille ne s’estompe jamais totalement. Noah le ressent chaque jour, comme un étau qui jamais ne cesse de se resserrer. Maintenant, c’est tous les jours qu’il franchit le grillage. Pour nourrir la famille puisque son frère, désormais, va à la mine, et pour se « rendre utile » selon les mots du paternel, toujours amer contre son dernier d’avoir causé la mort de sa bien-aimée femme.
Depuis quelques temps, Ethan commence à changer et à montrer des signes de plus en plus éloquents de liberté. Liberté dans la Veine, cela va sans dire. Quitter le nid familial devient un besoin, laissant Noah dans le désarroi le plus total. Lui, seul avec son père ? Quelle idée. Ils ne tiendraient pas deux jours sans se hurler dessus tous les deux. Mais la raison de ce besoin d’autonomie est on ne peut plus simple : une fille. Un joli brin de fille même. Ivy. Noah l’a détesté au premier regard pour la simple et bonne raison qu’elle lui prenait son frère. Mais, malheureusement pour lui, elle s’est avérée d’une gentillesse et d’une prévenance tellement surprenante qu’il ne peut vraiment lui en vouloir bien qu’il continue à lui montrer hostilité et mépris.
Le sol tremble ce matin et les mineurs tremblent aussi. Un éboulement a eu lieu dans la partie la plus à l’est des galeries et de nombreux travailleurs sont coincés. Et Noah croise les doigts pour que son frère n’y soit pas. Il ne peut pas se permettre de perdre un autre membre de sa famille, il croise même les doigts pour son père qui est là-dessous. Lui, il a juste eu de la chance. Il a 15 ans et n’est donc pas encore considéré comme travailleur mais il a été pris d’affection par un vieux guérisseur des quartiers riche. Régulièrement, il va lui ramener des plantes et autres herbes pour ses mixtures. Il l’a prit sous son aile et il veut faire de Noah son successeur. Une chance pour un petit gars de la Veine, comme lui. Une chance inespérée d’avoir une meilleure vie. Alors il s’y accroche de toutes ses forces pour ne jamais avoir à subir la peur de descendre. Il déteste être enfermé, dans le noir en plus. Jamais il n’aurait pu supporter pareil travail.
Mais aujourd’hui, une seule chose compte : qui était là-dessous. Il est même prêt à descendre pour aider les survivants mais on lui assène qu’il a plus d’utilité là où il est, à soigner ceux qui ont réussi à sortir. Il ronge son frein, impatient. Tout à coup, un nouvel arrivage de survivant arrive et il voit passer une myriade d’hommes qui en portent d’autres. Blessés ou morts. Noah serre les dents et s’efforce de ne pas regarder. Une main se pose alors sur son épaule. Son père lui fait face. Une expression d’intense soulagement vient libérer Noah d’un poids considérable mais lorsqu’il voit le visage défait de son paternel, il ne peut s’empêcher de sentir revenir une vague d’angoisse.
« Ethan est mort. »Puis il s’en va. Comme assommé, Noah s’affale plus qu’il ne s’assied sur une pile de linge. Son frère. Mort ?. Il ressent une fois de plus la poigne de fer si familière se resserrer sur son cœur. Il n’en peut plus. Il s’enfuit dans la forêt, seul refuge qu’il puisse trouver pour calmer cette inconsolable peine.
The day I started to live …
« Le district douze a enterré ses morts depuis longtemps. Je suis avec mon père, toujours avec mon père, et je suis guérisseur maintenant. Je passe mes journées au-delà de la barrière pour récupérer ce qu’il me faut pour soigner ceux qui viennent me voir. Je leur fait payer un prix modique même si certains insistent pour me donner bien plus que je ne vaux. La vie avec mon père est… tendue. C’est le moins que l’on puisse dire. Mais étrangement, il fait beaucoup plus attention à moi depuis que sa progéniture est morte. Je suis le seul descendant de la famille Carteer et il désespère d’avoir des petits-enfants un jour. Je ne suis pas vraiment l’archétype du parfait petit-ami, il faut l’avouer. Je dois certainement être un peu fleur bleue sur les bords… Je ne sais pas trop. Mais pour le moment, aucune ne m’a vraiment tapé dans l’œil. Tous les jours, je retrouve Ivy à côté de la Plaque. Je n’y vais plus. Ce lieu me rappelle tellement de souvenirs. J’avais l’habitude de passer mon temps là-bas avec mon frère et maintenant… Impossible d’y remettre les pieds. Je vois son fantôme à tous les coins de rue. »Noah se redresse de la page qu’il vient de couvrir de son écriture serrée. Son mentor et ami, le guérisseur qui l’a prit sous son aile, lui a glissé il y a quelques jour qu’écrire son histoire pourrait être bénéfique. Certes, cela ne guérit pas les blessures mais du moins sont-elles apaisées pour un temps.
Il se lève et se prépare à aller derrière le grillage. Toujours la même tenue.
Et une haine grandissante pour ce Capitole qui, chaque jour, lui fait regretter d’être né au district douze.