any last advice ? stay alive.

if we burn, you burn with us.

Les pieds dans le vide, assis sur la branche d'un arbre, tu regardes l'horizon qui s'étend à perte de vue. Tu fouettes l'air, comme le fouet s'élève parfois sur les dos des rebelles. Pourtant, t'es bien loin de ses préoccupations. T'es sur un petit nuage. Le genre de nuage dont on n'a pas envie de descendre, où on aimerait vivre toute sa vie pour pouvoir observer les étoiles. Oui, t'es amoureux. Et l'amour t'aveugle, mais rend ta réalité tellement plus belle que tu ne te soucies de rien d'autre. « Tu sais Rosa, un jour, on ira là-bas. » Tu tends le bras, pointe du doigt le soleil. Tu veux qu'elle voit, qu'elle regarde ce coin de paradis que tu imagines pour vous. On t'a souvent dit trop rêveur, mais toi, tu as toujours su que rêver, c'était mieux que d'attendre une fin en soi. « Là où il se couche. Le vieux Rôrk dit que derrière le soleil, les gens ils sont toujours heureux. » Tu tournes le visage vers ta petite-amie. Elle est tellement belle. Les rayons du soleil mourant éclaire partiellement son visage et tu succombes encore une fois à cette vue. « Et moi, je veux qu'on soit toujours heureux comme là. » souffles-tu, un peu perdu dans tes rêves d'ailleurs. Ton coeur bat toujours la chamade quand tu la regardes. Oh oui, tu l'aimes Rosa. Peut-être même un peu trop. Peut-être même pas assez. Tu sais juste que tu voudrais passer ta vie à embrasser sa peau, sa bouche qui te fait subir mille tourments. De ton perchoir, tu voudrais lui offrir une vie plus belle, un monde meilleur. Un endroit rien qu'à vous. Où seul le vent chaud souffle les nuages. Où seuls les oiseaux chantent le matin. Tu plonges tes yeux dans les siens, dans ses yeux trop grands pour elle, aussi grands que des pleines lunes. Sans vraiment chercher, vous avez construit une bulle autour de vous, une barrière invisible capable d'arrêter tous les malheurs du monde. Sans doute pour arrêter le temps et vivre votre histoire comme deux adolescents peuvent le faire. Même dans la dure loi du douze, dans la faim et la douleur, tu es heureux. Rosa, elle te rend heureux comme personne. Et p’t’être bien que tu pourrais mourir pour ça. « Tu sais.. » commences-tu, en aillant l’air plus sérieux. « Je t’aimerai toujours. » Tes joues s’empourprent sous le feu de la gêne. T’es p’t’être pas le plus costaud, ni le plus rapide, ni même le meilleur pour chasser le gibier, mais au moins, t’es toi et tu ne triches pas. Elle te sourit et tu fonds comme la neige au soleil. Tu lui rends son sourire, quand bien même elle ne dépose qu'un baiser sur tes lèvres en guise de réponse.  Tu sais bien qu’elle ne s’étend jamais vraiment, que ses sentiments restent cachés quelque part et ça te suffit amplement. Du moins, aujourd’hui. Alors, en silence, tu reprends l’horizon. Et ses rêves qui bientôt ne seront que des poussières d’espoirs. Juste des poussières.

Allongé sur le sol, tu regardes les étoiles. Ces points dorés. Ces points de vies. Illusions perdues. Un soupir triste s’échappe de tes lèvres et caresse la brise du vent qui effleure ton crâne rasé. Ton visage est marqué d’une mélancolie non feinte, d’une tristesse infinie que tu ne caches pas. Rosa est partie et avec elle, elle a emporté tout de toi. Elle t’a laissé en plan, toi et tes sentiments, toi et tes rêves d’avenirs. Sans remord, elle t’a vidé de ton âme, qui n’est plus qu’un abime qui crie à l’agonie. Tu lui en veux tellement. Tu as beau regarder les étoiles comme vous le faisiez avant, tu vois toujours la seul noirceur au tableau, t’es tout seul pour les regarder. On dit souvent que le temps guérit les peines d’amour, mais toi, tu ne veux pas guérir. Tu voulais juste qu’elle te dise aussi je t’aime ou un simple mot pour rendre ton quotidien plus beau. Tu fermes lentement les yeux jusqu’à imaginer le visage de Rosa, ses lèvres, ses épaules dénudées, son sourire perçant, le ronchonnement de sa voix quand quelque chose ne lui plaisait pas. Mais rien. Le flou, juste le flou. « Tu es triste Vaako ? » Tu ouvres les yeux sur une Nori qui te regarde l’air grave. Elle est là, elle. Et c’est peut-être pour ça que Rosa est partie, s’est éloigné de toi pour que tu ne sois que miettes, que poussières. Ouais, c’est sûrement ça. « Non. » réponds-tu à demi voix. C’est faux, mais les garçons ça ne pleure pas, ce n’est jamais triste et ça n’a jamais mal. Un garçon, c’est fort. Surtout quand il va dans la mine. Mais pourtant, tout ton cœur rugit, supplie. S’il pouvait, il s’arrêterait même de battre. Mais Nori n’en croit pas un mot. Elle voit dans tes fêlures, s’abreuve dans tes yeux clairsemés de larme. Tes peines sont aussi ses peines à elle. Elle sait, mais elle ne dit rien. Et toi aussi tu sais, tu sais que si tu le demandais, elle chercherait à faire taire tes tremblements. Pourtant, Rosa est trop là pour que les mots s’échappent de ta gorge, plutôt que de rester coincé. Elle s’allonge à tes côtés. Ses doigts s’entremêlent aux tiens, cherchent à répandre un peu de chaleur. Tu voudrais lui dire que tu es bien mieux comme ça mais dans ta tête, Rosa et son chaos grondent toujours.

« Je suis enceinte Vaako .. » Cette phrase te tombe dessus comme le couperet d’une guillotine. Le temps s’arrête, le monde se suspend. Pas pour les bonnes raison. Juste parce que tes doigts se sont crispés sur le bois de la porte sous le coup de l’étonnement. C’est même pire que ça, t’es interdit. Dehors, il pleut à torrent, la tempête gronde. Dehors, il y a ta meilleure amie qui vient de te dire qu’elle est enceinte. « Comment… » Tu avales difficilement ta salive. « Comment c’est possible Nori.. » Elle baisse les yeux. Gênée. « Tu sais très bien comment… Ne fais pas l’idiot. Je..Je peux entrer dit ? » Tu te sens bête et tu la laisses entrer un peu plus dans cette petite pièce que tu habites. Une unique pièce. Trop grande pour une personne. Trop petite pour deux. T’as toujours voulu un chez toi, alors il y a bien longtemps que t’as quitté le nid pour vivre par toi-même. « Mais je pensai que.. » Vos phrases ne se terminent même pas, sans trop savoir pourquoi. T’es soudain inquiet pour elle. « Nori, tu peux pas. Je veux dire, tu sais très bien comment c’est quand on vit dans le douze. Comment vont faire tes parents ? » Tu la grondes sans en avoir l’air. Tu mets plutôt des mots sur les questions qui t’assaillent. Vous avez toujours été proche. Et elle t’a toujours dit que jamais, elle n’aurait d’enfants à envoyer à la moisson. « Ils m’ont dit de partir Vaako.. Parce que… Parce que je veux quand même le garder tu sais. » Tu arques un sourcil. « Mais tu as dit. Et partir où d’abord ? » Tu ne comprends pas trop ce que ça veut dire. Si c’est partir vraiment ou partir juste pour la nuit. Elle se mord la lèvre, et tu restes planter là comme un con. Tu te sens coupable alors que c’est même pas de toi dont elle est enceinte. Tu ne veux pas savoir de qui, ça ne te regarde pas. Tu sais juste qu’elle est fragile Nori et que t’as toujours promis d’être là pour elle, quand elle a toujours été là pour toi. Quand elle t’a remis sur pied après Rosaë. « Je peux rester ici cette nuit ? Promis, je serai tout petite. » Tu regardes vivement autour de toi. Il y a pas de place… « Bien sûr que tu peux Nori, quelle question. Allez raconte-moi tout. » Et puis, ainsi, tu avais appris que ses parents l’avait mise à la porte en apprenant la nouvelle. Que le père du bébé n’était autre qu’un lascar du douze trop stupide pour voir les conséquences. Et qu’elle comptait sur toi. Alors, tu avais promis. Promis en ton âme et conscience que tu l’aiderais du mieux que tu pouvais. Que tu l’élèverais comme ton propre fils s’il le fallait. Peut-être qu’elle cherchait simplement du réconfort. Mais tu t’étais fait un devoir d’être présent alors que tout le monde l’abandonnait dans ses problèmes. Ta vie s’était alors mise en suspend pour elle. Sans même penser qu’un jour, tu voudrais rattraper ce temps perdu..

Tu baisses les yeux, sans avoir le courage de la regarder en face. T’as peur qu’elle lise en toi ce que tu penses vraiment. Les gens disent souvent qu’on peut lire dans les yeux comme dans les cœurs. Et tu ne veux pas qu’elle regarde, là, dans ton cœur. Elle verrait à quel point, tu es fait de vide et de poussière.. Que tu suis le chemin de la vie, sans y déposer ta marque. Oui, elle comprendrait à quel point, tu es fatigué et que tu as peur de l’avenir. « Vaako… » Sa main se pose sur ton visage. Elle est douce, tellement douce sa peau, comme du coton. Alors que toi, tu es sale. La poussière est incrustée dans tes veines, et tes mains ne sont que des charbons à peine minés. « Vaako, regarde-moi. » Péniblement, tu relèves les yeux. Péniblement, tu essayes de te soustraire à ses pupilles incandescentes. « Je devrai aller me laver le visage. » murmures-tu comme si tu avais peur de la casser. Elle et son ventre à peine rebondi. Un instant, ton regard s’attarde sur ça, sur ce petit bout de vie qui grandi en elle et qui sera dans plusieurs mois une bouche de plus à nourrir. « Tu travailles trop. Je devrai peut-être.. » « Non. J’ai promis. » Ses doigts glissent sur ton épaule, tes traits sont plus fermes. « J’ai promis que j’veillerai sur toi Nori. Sur toi et le bébé. » Elle baisse les yeux à son tour et tu t’en veux soudain d’être comme ça. D’être fatigué par le poids des responsabilités. « J’ai jamais voulu ça, tu sais. » Tu te mords la lèvre. Ses yeux s’embuent de larmes. Une goutte de tarde pas à perler le long de sa joue. Tu détestes la voir pleurer, ton coeur se brise à chaque fois. Il s'émiette comme si tu ressentais aussi la douleur de ses larmes, la tristesse de ses yeux. « Oh non, ne pleure pas Nori. Ça va aller. Je te promets que ça va aller. » soupires-tu, en tentant de la rassurer. « Mais .. quand … » Tu l’arrêtes en l’entourant de tes bras. Tu l’emprisonnes au creux de ton âme, entre chaud et froid. « N’y pense pas. Quand le bébé sera là, on se débrouillera. Je travaillerai plus et ça ira. » Tu déposes tes lèvres sur son front, tandis qu’elle se serre un peu plus contre toi. Au fond, tu te mens un peu à toi-même. Tu as beau promettre, ce ne sont que des mots lancés dans le vent. Tu as déjà du mal à nourrir deux bouches, alors trois.. Mais tu te tais. Nori est trop fragile pour apprendre la vérité. Et elle le sera toujours à tes yeux.