any last advice ? stay alive.

if we burn, you burn with us.

Le soleil se levait doucement sur le district douze. Les deux petits Easton buvaient dans un silence religieux leur tasse de lait chaud, bien installés à la petite table en bois de la cuisine. La faible flamme de la bougie qui trônait entre les deux enfants éclairait avec difficulté leur petit-déjeuné. Le petit Khal fixait sa tasse fumante, les jambes battant une mesure imaginaire dans le vide, à défaut de pouvoir toucher le sol. Le printemps avait enfin pointé le bout de son nez, les jours commençait à rallonger et l'air s'adoucissait peu à peu. Il était presque l'heure pour les enfants du district de se rendre à l'école. L’aînée des jeunes Easton sauta de sa chaise et laissa ses couverts dans la bassine grisâtre avant d'attraper son sac. Khalan la suivait du regard tandis que la petite enfilait son manteau « Allez Khal, on va être en retard ! » chuchota la jeune blondinette. Le cadet imita sa sœur, puis au bout de quelques minutes, ils furent fin prêt à se mettre en route. C'était la première fois que les deux enfants se rendaient seuls à l'école. En temps normal, c'était Andrew Easton, leur père, qui les accompagnait. Seulement, il venait enfin de retrouver un boulot en tant que pacificateur dans le district, il lui était donc désormais impossible de les emmener. Le petit garçon avait du mal à se faire à l'idée que son père ne serait plus autant présent pour lui, et il ne savait pas exactement qu'elles allaient être ses nouvelles occupations.

Le petit suivait à la trace sa grande sœur. Du haut de ses sept ans, il peinait un peu à garder le rythme, mais la jeune fille veillait au grain. Malgré leurs cinq années de différences, ils étaient très proches, et surtout inséparables. Le vent froid mordait les joues du petit Khal alors qu'il courait presque sur les talons de sa sœur. Le soleil apparaissait derrière les collines à la frontière du district. Des rires moqueurs attirèrent l'attention du jeune garçon. Il chercha du regard d'où ils provenaient. Finalement, deux petits, à peine plus âgés que lui passèrent sur leur droite, et l'un d'eux poussa le petit blond. Il trébucha et se retrouva assit au milieu d'un nid de poussière. L'autre les montra du doigts avant de crier « Fils de traître, vôtre père ne vaut rien ! ». Ils s'en allèrent en courant, laissant le petit au milieu de la rue. Il n'avait pas la force de se relever. Il ne comprenait même pas pourquoi ils disaient des choses pareilles, mais entendre ses enfants critiquer son père de la sorte l'insupportait. Il aurait voulu faire quelque chose, défendre son papa, mais à la place de ça, il était les bras ballants, les fesses dans la poussière marrons qui constituait la route. Laney se précipita pour l'aider à se relever et s'épousseter. Elle lui demanda si il ne s'était pas fait mal. Le petit secoua la tête négativement alors qu'une larme roula le long de sa joue. Lorsque son père avait accepté le boulot, Khal avait seulement pensé que cela allait compromettre leurs parties de ballon le soir après l'école, il n'aurait pas imaginé une seule seconde que sa vie entière serait changée.

∞

Il était déjà presque midi lorsque la famille Easton quitta le domicile familial pour rejoindre la grande place. Le petit Khalan traînait les pieds derrière, réticent à retrouver le reste du district en ce « grand » jour : La moisson. C'était une première pour lui. Son nom était désormais inscrit sur l'un des petits papiers qui se trouvaient dans les grands bocaux, eux-même installaient sur la grande estrade en bois. Une jeune femme habillait comme un bonbon venait ainsi tout les ans tirer au sort les « heureux » élus pour les prochains Hunger Games. La tête du petit garçon tournait et ses mains étaient de plus en plus moites. Il n'était pas habitué à ce genre de stresse. Perdu dans ses pensées, il s'était fait distancer par le reste de sa famille. Son père lui demanda alors de presser le pas. Khal couru sur quelques mètres afin de rejoindre son père, duquel il attrapa la main et la serra de toute ses forces d'enfant de douze ans. Delaney vînt le trouver et, à son tour, elle entrelaça ses petits doigts avec ceux de son frère. « Ne t'en fais pas Khal, si tu es tiré au sort, je me porterais volontaire. » lâcha la jeune fille. Son nom à elle y était inscrit six fois, c'était six fois de trop. Le petit blond leva son regard clair vers elle « Tu ne peux pas, tu es une fille. » dit-il d'un ton qui trahissait son inquiétude. « Ils ne sont pas obligés de le savoir. Il est hors de question que tu ailles dans cette arène. » elle déposa un baiser sur le haut de son crâne alors qu'ils arrivaient sur la grande place.

Andrew lâcha la main de son fils et il ébouriffa les cheveux du petit. Il lui adressa un air réconfortant avant de rejoindre son poste de pacificateur et que Laney l'entraîne afin qu'ils soient enregistrés. Ils arrivèrent devant deux pacificateurs assis derrière un bureau. L’aînée tendit la main vers le premier homme. A l'aide d'une aiguille il piqua son index et la jeune blonde déposa une goutte de sang en face de son nom dans un grand cahier. Khalan fit de même, et réprima une grimace lorsque le pacificateur piqua son doigt. « Va te placer avec les autres petits. » lui dit ce dernier. Sa sœur était déjà installée du côté des filles. Khal se dirigea d'un pas mal assuré dans l'allée qui menait aux autres enfants de son âge. Il chercha d'abord son père, posté à la droite de l'estrade, puis sa mère et Aryan. Finalement il les trouva, debout derrière les rangs de fille. Leur mère était vraiment très belle. Ses cheveux blonds étaient attachés en une longues tresses qui lui descendait jusqu'à la poitrine. Son visage angélique au teint pâle n'inspirait que de la confiance. Sa main était doucement posée sur son ventre à peine arrondi. Les enfants Easton avaient appris quelques jours auparavant qu'ils allaient accueillir d'ici quelques mois un petit frère ou une petite sœur. La joie qu'avait engendrait cette nouvelle avait vite été effacée par l'angoisse dû à la moisson.

Un silence lourd écrasa la place lorsque la jeune femme fit son entrée sur l'estrade. Le petit garçon serra les poings si fort que ses jointures blanchirent. Il aurait tout donné être avec sa mère et son petit frère. Le petit Aryan, âgé d'à peine quatre ans était encore à l'abris de ses jeux de la mort. Ses pensées se bousculaient dans sa tête, à tel point qu'il ne prêta pas attention au discours tenu par la jeune femme. Il retrouva ses esprits lorsqu'elle se dirigea vers le premier bocal et qu'elle y plongea ses mains recouvertes de diamants et de paillettes. Elle se rapprocha du micro, un sourire béa étirant ses lèvres. « Et le tribu femelle de cette année est... » elle déplia le papier avec précaution « ...Delaney Easton ! ». Un poids sembla s'abattre sur les épaules de Khalan. Il chercha du regard sa sœur. Des larmes perlaient le long des joues de la jeune fille qui sortit du rang sans dire un mot. Elle essuyait de ses doigts diaphanes les larmes qui coulaient discrètement. « LANEY ! » cria le jeune garçon. « NON LANEY ! ». Il se précipita contre les cordes qui délimitaient les rangs, mais lorsqu'il voulu rejoindre sa sœur, un pacificateur l'en empêcha. « Je suis volontaire ! » sa voix étranglée était presque inaudible. « S'il vous plaît ! » il se débattait vainement dans les bras du garde. « Vous n'avez pas le droit ! » Sa vue était brouillée de larmes, il pouvait à peine distinguer Delaney qui se tenait debout sur l'estrade. Tout les regards étaient braqués sur le petit Easton, secoué par des vagues de sanglot. « Non... non... non... » répétait-il sans arrêt. Il hoquetait, vrillé de douleur. « Retourne dans les rangs jeune homme. » le pacificateur le lâcha et le petit tomba, genoux à terre. « Debout, ça suffit maintenant. » s'énerva le garde. Khal n'entendait rien à part son cœur qui battait à tout rompre dans ses oreilles. Il tentait de récupérer une respiration décante sans jamais y parvenir. Sa sœur allait être jeté dans la fosse aux lions sans qu'il puisse faire quoique ce soit.

∞

Cela faisait déjà deux semaines que les jeux avaient commencé. Recroquevillait dans un coin, le petit Khal refusait de parler et de se nourrir convenablement depuis que sa sœur avait été tiré au sort. C'était l'heure de la retransmission du soir, et tout habitant était obligé d'y assister. Andrew était encore au travail, alors que Jules et Aryan était installés dans le canapé dans un silence religieux. Toute la famille était des plus inquiets depuis le début des Hunger Games. Pour le moment, Delaney s'en sortait du mieux qu'elle pouvait. Les genoux repliaient sur sa poitrine, la respiration haletante, Khal essayait d'oublier que sa sœur pouvait mourir d'une seconde à l'autre. Ce n'était pas juste, elle n'avait que dix-sept ans, à un an près elle aurait échappé à ce supplice. Elle aurait dû être là, avec eux, à regarder des enfants qu'ils ne connaissaient pas, ou peu, se battre jusqu'à la mort, priant pour que cela n'arrive jamais à leur famille. Jusqu'à ce jour, le petit garçon ne s'était pas rendu compte à quel point ce système était réel. Ca ne le touchait pas, ni lui, ni sa famille, ça semblait pas être quelque chose de concret. Il espérait toujours que tout cela ne soit qu'un affreux cauchemar, qu'il allait se réveiller, dans son lit et que sa sœur serait dans son lit elle aussi, juste à côté de lui.

« Khal, viens, s'il te plaît. » demanda d'une voix faible sa mère. Ses traits étaient tirés, fatigués. Elle n'avait pas dormi depuis plusieurs jours, et sa grossesse la fatiguée plus qu'elle n'aurait dû. Elle faisait en sorte de ne prendre soin d'elle, du mieux qu'elle pouvait, afin de garder le bébé en bonne santé. « Khal, allez. » souffla de nouveau Jules, mais son fils ne répondit pas. Il se balançait d'avant en arrière, tentant vainement d'oublier les récents événements. « Maman, c'est Ney ! » cria soudainement le petit Aryan. La caméra venait en effet de se braquer sur le jeune fille. De son coin, Khal releva malgré tout le regard qu'il braqua sur le petit écran. Il reconnaissait à peine sa sœur. Elle était couverte de boue, son visage était entaillé à plusieurs endroits et ses yeux semblaient avoir perdu tout espoir. Elle marchait, tant bien que mal dans la forêt, à la recherche d'un point d'eau. Le blond vit une larme coulait sur la joue creusée de sa mère. Ce n'était jamais bon signe lorsque la caméra se concentrait sur un participant. Khal resserra un peu plus son étreinte autour de ses jambes, et il ne quitta pas des yeux l'écran. La chaîne commença à alterner des images de Laney et d'un jeune homme armé d'un arc qui courait dans sa direction. Ce n'était pas possible. Les images étaient de plus en plus rapide, jusqu'à ce que les deux adolescents se retrouve sur la même image. Le jeune homme était bien plus grand, bien plus musclé et en bien meilleure forme que Delaney. Il se trouvait derrière elle alors qu'elle avait enfin trouver un peu d'eau. Il arma son arc et se prépara à tirer, lorsque la jeune fille remarqua enfin sa présence. Elle se retourna, mais s'était trop tard. La flèche partit dans un bruit sourd et lui perfora l'abdomen. Leur mère étouffa un cri alors que Khal enfouit son visage entre ses genoux. « Ce n'est qu'un cauchemar... ce n'est pas possible, ce n'est qu'un cauchemar... ». Son visage baignait de larmes, il recommença à se balancer d'avant en arrière. Dans la maison des Easton, on ne pouvait entendre que des sanglots étranglés. La porte s'ouvrit d'un coup et claqua contre le mur. Andrew se jeta sur sa femme afin de la prendre dans ses bras. Il n'avait pas le droit d'être là, il n'avait pas fini son service, tout le monde le savait, mais tout le monde ne venait pas de voir mourir sa fille dans les jeux de la faim.

∞

Assit dans l'herbe, le regard perdu dans le vide, Khal ne prêtait aucune attention au vent qui ébouriffait ses cheveux, qui avait été coiffé avec soin par sa mère un peu plus tôt dans la matinée. Une semaine. Cela faisait une semaine que ça sœur avait été tué. Il avait encore du mal à l'admettre, encore plus à le dire. Il se demandait encore comment cela pouvait être possible. Il avait douze ans, ce n'était pas dans l'ordre des choses de perdre un proche à cet âge. Elle aurait dû être là, assise dans l'herbe avec lui, à manger des baies trouvées un peu plus bas. Ils auraient du jouer à se battre, faire un concours de roulades dans le champ, et faire la course jusqu'à la maison pour arriver à l'heure du goûter. Sa sœur avait dix-sept. Elle était pleine de vie, joueuse et elle n'avait jamais délaissé son petit frère. Le garçon avait toujours été fier de raconter les exploits de sa sœur, les batailles de cartes et les chasses aux trésors qui avaient occupées leurs journées. Il était tout simplement fier de sa grande sœur. Beaucoup avaient tenté de le persuader qu'en grandissant, la jeune fille allait se trouver de meilleurs copains ou de meilleures occupations, le laissant seul avec son unique petite voiture. Ces gens s'étaient trompés, mais qu'importait à présent qu'elle n'était même plus là pour leur donner tort ?
Il avait pleuré toutes les larmes de son corps pendant toute la nuit. Au moment où il pensait qu'il que les larmes allaient continuer de couler à flot jusqu'à la fin des temps, il avait finalement arrêter de pleurer. La douleur n'avait pas disparu, le trou béant dans sa poitrine ne faisait que s'agrandir un peu plus à chaque minute qui passait, mais c'était comme si il ne pouvait plus pleurer. Il n'avait peut-être plus assez d'eau dans son corps, il avait peut-être déjà trop pleurer. Il avait douze ans, et rien, ni personne ne pouvait répondre à ses questions. Personne ne pouvait lui dire pourquoi sa sœur était morte ? Pourquoi elle et pas une autre ? Pourquoi il ne pleurait plus ? Juste, pourquoi ?

Il arrachait nerveusement quelques poignées d'herbes, de part et d'autre de ses genoux. Le printemps avait fait son apparition : La neige avait totalement fondue, les arbres reprenaient leurs droits, et les fleurs bourgeonnaient à travers l'ensemble du district. L'air frais était tout de même omniprésent. Il remonta un peu sa petite veste de costume noire avant de relever. Il se pencha pour ramasser un petit bouquet de violettes à peine ouverte, dont les couleurs étaient éclatantes. Il réajusta la cravate de son père, bien trop grande pour lui, qu'il avait nouée autour de son coup. La tête basse, il sauta à pieds joints par dessus les quelques crevasses, et il se retrouva en un rien de temps en bas de la petite colline. Serrant si fort son petit bouquet, il brisa quelques tiges alors qu'il traversait le district presque désert. Tout le monde devait déjà être au petit cimetière du district, là où sa sœur l'attendait entre quatre planches, pour leurs derniers adieux.

Comme il s'en doutait, tout le district avait fait le déplacement, déjà parfaitement aligné de part et d'autre du cercueil. Le soleil était à son zénith alors que la jeune Delaney allait se retrouver dans l'obscurité pour l'éternité. Khal alla se placer à côté de son frère, entre leurs deux parents qui, en ce funeste jour, ne semblaient être que des fantômes. La cérémonie fût trop longue au goût du jeune garçon, et elle l'aurait été aussi pour Laney, c'était ce qu'il pensait. Elle n'était pas patiente. Papa et maman firent un bref discours, trop animés par le chagrin de leur perte tragique. Puis, on demanda à Khalan si il souhaitait dire quelques mots. Il hocha la tête, et monta derrière le pupitre. On baissa la micro afin qu'il puisse l'atteindre, et un long silence s'en suivit. Le petit posa les yeux sur le cercueil fermé. « J'aime ma sœur. Je ne peux pas dire que je l'aimais, parce que je n'arrêterais jamais de l'aimais. Donc j'aime ma sœur au présent, et pour toujours. Ce matin, j'ai cueilli ces fleurs. » il montra brièvement le bouquet. « C'est les préféré de Laney. Au printemps derniers, quand on allait dans les champs, elle s'en faisait des couronnes, et c'était la plus belle du monde. Je voulais lui faire une couronne, pour qu'elle puisse en emporter, mais je ne sais pas faire les couronnes, donc j'ai juste fait un bouquet. ». Des larmes commencèrent à monter. « Je pensais que ma sœur, elle m’emmènerait toujours à l'école, qu'elle me tiendrait toujours la main, et qu'elle me chanterait toujours une chanson tous les soirs. Et je comprend pas pourquoi des gens ont décidé qu'elle ne pourrait plus le faire. » Toute l'audience était à la fois émue et étonnée de l'entendre parler autant. Depuis la mort de sa sœur, il était entré dans une forme de mutisme dont beaucoup pensaient qu'il ne sortirait jamais. Il essuya une larme qui déborda de sa paupière et continua malgré que sa gorge se nouait de plus en plus. « Je déteste ces gens. Je veux ma sœur. Je veux que maman arrête de pleurer. Je veux que papa recommence à dormir la nuit. Je... » il dû s'interrompre, secoué par un sanglot. Il descendit du pupitre et se dirigea vers la cercueil. Il y déposa son petit bouquet, dont toutes les tiges étaient à présent brisées à deux ou trois endroits. « Je ne t'oublierais pas Laney, promis. » finalement, les larmes revenaient toujours, tôt ou tard.

∞

Les heures s'écoulaient lentement, les jours passaient inlassablement, les mois arrivaient à leur terme difficilement. Tout semblait plus terne, plus fade, sans aucun sens aux yeux de Khal. L'habituel manteau blanc avait recouvert le district, l'hiver était officiellement de retour. Les muscles contractés pas le froid, Khal était assis sur un petit tas de neige face à la tombe précaire de sa sœur. Il était le seul à savoir qu'elle reposait ici, puisque l'épaisse couche de poudreuse cachait la petite pierre tombale sur laquelle était inscrit « Delaney Troian Easton ». Il n'avait pas eu assez d'argent pour faire graver quoique ce soit d'autre. Les choses avaient bien changé depuis le décés de l'ainée Easton, et le petit blond n'arrivait pas à se faire à cette idée. Il était seul à l'école, seul dans les districts, seul dans sa chambre. Il était seul. Cela faisait des semaines qu'on n'avait plus vu un sourire sur le visage de ce petit garçon, autrefois si joyeux. La famille entière était dévastée, à part peut-être le petit Aryan, mais son jeune âge le pardonnait. Il pensa un instant que son petit frère ne se rappellerait peut-être jamais de Laney. Elle n'avait partagé que quatre ans de sa vie, et les souvenirs s'estompent vite. Le souvenir le plus vieux dont Khal se souvenait réellement remontait à ses six ans, pour son anniversaire. Ils n'étaient pas riche, il avait donc eu une boite de crayons de couleur et un cahier, mais il se sentait comme le garçon le plus heureux du monde. Mais, plus il allait grandir, plus se souvenir allait se désagréger, jusqu'à n'être plus qu'un « flash ». D'ici quelques années, dans l'esprit du cadet Easton, Delaney ne serait plus qu'un « flash » elle aussi.

Khal secoua la tête pour chasser cette pensée qui le mettait hors de lui. Il ne pouvait supporter l'idée qu'on puisse oublier sa sœur. Sa plus grande hantise était que, lui-même, oublie son aînée. Il se détestait rien qu'à la perspective de remplacer les souvenirs des moments passées avec elle, parce ceux où elle ne pourrait jamais être. Il voulait garder ses anecdotes rien que pour lui, pour toujours, et que, jamais, ils ne s'estompent. Le petit semblait tellement hanté par la disparition de la jeune adolescente que cela inquiétait ses proches. Les professeurs s'inquiétaient de son avenir, certains allaient même jusqu'à se demander si il ne risquait pas de faire une « bêtise » quand il serait plus grand. Ses parents s'inquiétaient, quant eux, de son bon développement. La nourriture manquait déjà cruellement dans le district, et la plupart des enfants ne mangeaient pas comme il l'aurait dû, mais Khalan mangeait juste le strict minimum pour rester en vie depuis les jeux. Ce n'était pas en réponse pour le Capitole, ou une vengeance pour la mort de sa sœur, bien au contraire. Il n'avait juste plus d'appétit, autant pour la nourriture que pour la vie. Il ne vivait plus réellement, il survivait.

Ses doigts virant au violet, et ses dents claquant plus intensément qu'auparavant, il se décida à rentrer. Il parcouru les chemins jusqu'à sa maison rapidement, se prenant parfois les pieds dans des crevasses dissimulées sous la neige. Leur maison n'était pas un château. Ce n'était qu'une modeste petite maisonnette qui aurait mérité quelques rénovations. Elle n'était ni grande, ni luxueuse, mais ils s'en contentaient. L'air se faufilait par tous les trous et autres fissures, rendant parfois le chauffage difficile.
Il poussa doucement la porte en bois. Cela faisait un moment qu'il était parti, mais il ne savait pas depuis combien de temps précisément. Sa mère était partie dans la matinée car elle avait des douleurs au niveau du ventre. Il s'était fait beaucoup de soucis, et c'était notamment pour cela qu'il était sorti prendre l'air. Un léger soupir de soulagement traversa ses lèvres lorsqu'il trouva sa mère assise à côté de son père dans leur modeste canapé. « Khal, enfin ! On s'inquiétait ! On a quelqu'un à te présenter. » dit son père. Pour la première fois depuis des mois, Andrew affichait un réel sourire, comme « d'avant ». Khal s'approcha intimidé. Sa mère tenait dans ses bras des linges blancs qui renfermait un nouveau né, aussi blanc que la neige qui tombait par la fenêtre. « Je te présente ta petite sœur, Eawen. » chuchota t-elle, sûrement par peur de la réveiller. Le petit garçon fit quelques pas de plus afin d'entrevoir le visage du bébé. L'air paisible et innocent de cette petite fille arriva à arracher un mince sourire au petit, ne faisant qu'accroître celui des heureux parents. Eawen ne connaîtrait jamais Laney. Elle ne connaîtrait le parfum de ses cheveux, ni le bleu si pur de ses yeux. Elle ne connaîtrait pas la douleur de sa perte, ni la difficulté de continuer de vivre sans elle. Un fossé séparait la jeune Eawen et son frère aîné, pourtant il avait envie de l'aimer, sincèrement, mais malgré tout, une partie de lui restera brisée à tout jamais, cela ne faisait nul doute.

∞

Le mince filet d'eau gelée qui coula du petit robinet le brûla lorsqu'elle rentrât en contact avec sa peau noircie par le charbon. La journée avait été terriblement longue et rude, comme toutes les autres journée à la mine d'ailleurs. La faible lueur des bougies éclairait à peine le lavabo. Lui, et tous les autres mineurs, se débarbouillaient et ranger leur sac dans le silence. Le jeune homme jeta un coup d’œil à son sac de charbon : il n'était pas très rempli, ce qui n'était pas bon signe pour lui. Les temps étaient durs, et sa famille avait besoin de cet argent. Sa mère avait été poliment remercier pour ses services de femme de ménage, seulement ils n'avaient plus besoin d'elle à l'hôtel de ville. En réalité, ils avaient trouvé quelqu'un de plus jeune et qu'ils pouvaient exploiter pour un salaire moindre. Quant à son père, son poste de pacificateur ne lui rapportait pas autant qu'il l'aurait voulu. Il ne faisait pas parti de ceux qui avaient de grandes responsabilités, son salaire était donc en conséquence.
Depuis ses dix-huit ans, le jeune Khal se donnait donc corps et âme dans les fins fonds de la mine afin de ramener le plus d'argent possible. Il y allait tous les jours, en dehors du dimanche, et il y passait sa journée entière. En hiver, c'était à peine si il voyait la lumière du jour, déjà rare en cette période. Son teint était devenu d'autant plus pâle, et ses mains caleuses. Son visage était presque constamment barbouillé de suif et certaines tâches semblaient incrustées sur ses doigts diaphanes. Cela faisait déjà faisait déjà près cinq ans qu'il travaillait sans cesse aux mines de charbon, mais comme au premier jour, il était toujours terrifié à l'idée d'un coup de grisou. Bien trop de personnes étaient déjà mortes dû à ces incidents à répétition. Mais malgré cette peur, il n'avait d'autre choix que de continuer.

Une quinte de toux lui pressa soudainement la poitrine. C'était devenue une habitude depuis quelques temps. La poussière du charbon entraînait des problèmes respiratoires chez le jeune homme. Il n'était pas rare qu'il soit obligé de prendre une pause de quelques minutes afin de reprendre son souffle. C'était parfois un manque d'air qui créait une sensation insupportable, d'autre fois il toussait à en cracher ses poumons. Malheureusement, il n'avait pas les moyens pour se soigner correctement, et il refuser de dépenser la moindre pièce au dépend des besoins de sa famille. Surtout que le foyer accueillait depuis peu une personne de plus : Gaïa Easton, sa grand-mère paternelle. Le dernier hiver avait été des plus rudes et le grand-père Easton avait succombé à une méningite, laissant la vielle dame toute seule. Le père de Khal avait donc refusé de laisser sa mère seule, sans personne pour veiller sur elle. Ils étaient donc six à vivre sous le même toit avec seulement deux salaires. Khalan se démenait donc deux fois plus à la mine et il allait de plus en plus chasser en forêt afin que tout le monde mange à sa faim. Lui-même mangeait toujours très peu. Il n'était pas malheureux. Il aimait sa petite sœur – Winnie comme il aimait l'appeler – et Aryan, tout comme ses parents. Il adorait sa grand-mère Aïa – un surnom donné dû à un défaut de prononciation alors qu'il n'était qu'un petit enfant. La vie au district était difficile, et il avait besoin autant besoin de sa famille que sa famille avait besoin de lui.
Il se sécha les mains sur son pantalon gris avant d'attraper le sac qui contenait quelques kilos de charbons. Il le porta à bout de bras jusqu'à l’ascenseur où il retrouva un groupe de mineurs. Il remontèrent lentement à la surface où les attendaient les gérants de la mine. Il donna son sac à l'un d'eux qui s'empressa de le peser avant de lui remettre l'équivalent en pièce. C'était toujours trop peu, mais il ferait avec, comme d'habitude.

∞

Adossé à un arbre, le jeune Khal laissait son regard vaguait dans le vide. Le silence de la forêt était des plus reposant. Le soleil tapait plus que d'ordinaire, laissant présager un bel été. Ses yeux se posèrent sur la petite boule de poils qui gambadait joyeusement entre les fougères. Ce petit chiot, c'était Levi, un berger allemand que Khal avait trouvé un mois plus tôt au fond d'une ruelle. Les deux s'étaient bien trouvés puisqu'ils était désormais inséparables. Voyant Levi s'éloignait, Le jeune homme siffla prudemment afin qu'il revienne. Les oreilles du bébé chien se dressèrent et il fît volte face. Il marqua un temps d'arrêt, fixant son maître, puis il se mit à courir dans sa direction. Arrivant à sa hauteur, il lui sauta dessus et s'empressa de lui lécher le visage, ce qui arracha un rire au jeune mineur. Il était devenu son seul ami, sa seule compagnie. Khal avait quitté le domicile familiale depuis deux semaines environs, soutenant à ses parents qu'il était temps qu'il prenne son indépendance. En réalité, il était parti car il avait l'impression de n'être qu'un fardeau pour eux. Il comptait bien continuer de donner les trois quarts de son salaire, ainsi que du gibier et des plantes à sa famille, mais il n'habiterait plus avec eux. Il savait pertinemment qu'il donner du travail à sa mère, et qu'ils étaient déjà trop dans une si petite maison. Ainsi, nanny Aïa aurait une chambre pour elle seule et ils auraient une bouche de moins à nourrir. Ils auraient également plus d'eau et sa chère mère aurait moins de ménage à faire. C'était pour le bien de tous.
Il avait affirmé à sa mère qu'il s'était trouvé une petite maison de l'autre côté du district et qu'il allait s'en sortir parfaitement. Hors, ce n'était pas la vérité, mais si il avait dit le contraire, ses parents ne l'auraient jamais laissé partir. En réalité, il n'avait pas de toit. Il vivait dans la rue, avec les aléas de la nature. Il se cachait à l'heure du couvre feu, ne souhaitant pas se faire battre – voir pire – sur la Grand Place. Il se nourrissait de se qu'il trouvait dans la forêt ou de ce qu'il arrivait à négocier à la Plaque. Il airait dans le district, ne laissant personne deviner qu'il était à la rue. Parfois il trouvait un toit pour la nuit, chez un collègue mineur ou un ami, ou bien encore au fond d'une grange en ruine. Ce n'était pas la vie dont il avait rêvé, mais tous les espoirs qu'il avait, étaient mort en même temps que sa sœur. On ne pouvait avoir des rêves ou des aspirations au District douze. On naît dans la poussière et on finit par le devenir à son tour, les choses étaient faites ainsi, et Khal en avait pris conscience très tôt. Bien qu'il n'avait jamais participé aux jeux de la mort, ils lui avaient quand même volé son innocence et sa sœur. Toutes personnes confrontés aux jeux, directement ou indirectement, était marqué à vie.