any last advice ? stay alive.

if we burn, you burn with us.

Lydia était à genoux sur le lit, en face des jambes nues et écartées de la future mère, qui alternait entre souffle rauque et gémissements. C'était son premier enfant et le travail durait depuis déjà plusieurs heures. Enfin, Lydia avait décrété que le nouveau-né arrivait et que de ce fait, le calvaire serait bientôt terminé. Elle-même n'avait pas d'enfants, mais avait assisté à assez d'accouchements pour bien comprendre le terme de délivrance. Auparavant, elle assistait sa mère, qui tenait son savoir de sa propre mère et ainsi de suite. Les filles Fowler n'avaient pas vraiment le choix, mais heureusement pour chacune, toutes en faisaient une vocation. Lydia ne faisait pas exception à la règle. Désormais, elle faisait son travail seule, dans la Veine et partout où on la demandait, dans la limite du district douze évidemment.
« La tête arrive, continuez », souffla Lydia, attentive et calme. Du linge propre était posé à ses côtés, prêt à recevoir le nouveau-né tremblant et ensanglanté. La femme hurla et la tête sortit. Lydia l'attrapa de ses mains blanches pour aider la mère, soutenir la tête. « Il arrive », poursuivit-elle, encourageant la jeune femme. Son mari n'était pas à ses côtés, il était à la mine comme la majorité des hommes à cette heure-là. Le père et les frères de Lydia s'y trouvaient également. Le soir, ils revenaient couverts de charbon et fatigués, mais toujours le sourire aux lèvres. Ils avaient appris à accepter leurs conditions de vie, était heureux malgré la vie dure. Quelques contractions et petits cris plus tard, le nouveau-né glissa jusque dans les bras de Lydia, en braillant. L'accoucheuse l'accueillit avec le linge propre, le nettoyant rapidement avant de le tendre à la mère qui reprenait son souffle et riait, enfin heureuse que tout soit terminé et que son petit soit là. « C'est un garçon », lui annonça Lydia en lui donnant, souriante. Elle regarda un instant la mère et l'enfant, songeant aux derniers jeux de la faim et à la remarque de sa mère, lorsque le premier jour, un garçon de treize ans du district douze s'était fait sauvagement tué : « C'est moi qui ai fait naître ce garçon », avait-elle dit sur un ton monocorde, légèrement blanche. Puis, elle avait pris un chiffon et avait feint d'avoir quelque chose à faire. Tout valait mieux que de regarder la télévision. Le coup de canon résonnait encore dans l'esprit de Lydia. Elle-même avait échappé aux jeux, tout comme ses frères. Ils avaient pourtant pris des tesserea, plus d'une fois malgré que leurs parents étaient contre. On pouvait alors parler de chance. Depuis bientôt vingt-cinq ans, seulement cinq enfants du Douze étaient rentrés. Les jeux les avaient changé et lorsqu'elle les croisait, Lydia se surprenait à leur lancer un regard bizarre, comme s'ils étaient des étrangers.
Tout en attendant la délivrance du placenta, Lydia songeait à la vie qu'elle aurait. A la vie que cet enfant qui venait de naître aurait. Serait-il envoyé à une mort certaine ? Y échapperait-il ? Ou peut-être ferait-il parti de ces rares vainqueurs, survivant face à des monstres comme les enfants du district un ou deux, les " carrières ", comme on les appelait. Ceux-là faisait vraiment flipper Lydia, devant sa télévision. Devant les caméras, ils faisaient toujours des grimaces de défi, riaient aux éclats à l'idée de bientôt tuer. Là-bas, les enfants se portaient volontaires. Ils se battaient presque pour aller jouer aux assassins. Ils rêvaient de devenir les nouvelles coqueluches du Capitole. Donc, c'était vraiment flippant.
Elle-même avait déjà vingt-cinq ans, et se demandait encore si elle avait envie d'avoir des enfants. Elle avait déjà l'impression de donner la vie tous les jours, indirectement. Peut-être que ça lui suffirait, après tout. Et puis il n'y avait personne dans sa vie, ou peut-être était-ce elle qui essayait de s'en persuader.