it's a beautiful lie.

C'est bien trop tôt pour la plupart des Pacificateurs. Le soleil se lève à peine, mais lui est levé depuis plus longtemps, parce qu'il ne peut pas dormir. Il a horreur de trop penser, trop réfléchir à son avenir, cet avenir qui lui pose problème. Il regarde son uniforme, blanc comme la neige, impeccable, symbole de pureté, d'innocence. C'est dans ces moments de réflexion qu'il se dit qu'il que la couleur a mal été choisie pour son uniforme. Il aurait dû être noir, ou rouge, mais pas blanc. Il enfile sa tenue, se regarde, grimace. Il aime son boulot, il respecte le chef, respecte toutes les règles, ou presque toutes. Rosaë. Il ferme les yeux lorsque son nom traverse son esprit et revoit ce coup qu'il porte à son visage. Il se hait d'avoir fait ça, mais avait-il eu le choix ? Il baisse les yeux jusqu'à poser ceux-ci sur sa matraque. S'il n'avait pas frappé Rosaë, aurait-il dû s'en servir ? Ou pire, aurait-il dû la fouetter sur la Grand Place ? Tant de questions qui le dégoûtent. Il sort enfin de cette maison bien trop grande à son goût quand il voit ce que sont les habitats des personnes vivant dans ce district. Il a toujours été mal-à-l'aise de vivre dans une maison comme la sienne dans les districts pauvres. Mais jamais il ne s'en plaindra non plus. La pauvreté, lui, il ne connaît pas. Il la voit, mais c'est tout. Shea fait un rapide tour des ruelles de la zone nord. Généralement, personne n'ose s'aventurer ici, les Pacificateurs y sont trop nombreux toute la journée et mieux vaut ne pas venir ici quand on ne porte pas d'uniforme blanc. Quelques uns sont déjà venus, ils se sont fait attraper. Shea s'en souvient, il se souvient de ce qui leur avait été réservé par la suite. A cette heure-là, ils doivent être une dizaine à marcher dans les ruelles, pas plus. Il croise trois Pacificateurs, mal réveillés, qui ne seraient même pas capables de courir pour rattraper un habitant du district. Shea les salue, rien de plus. Il ne leur à jamais réellement parlé, et ne les apprécie pas des plus. Il y a bien quelques Pacificateurs dont il apprécie la compagnie, dont Nathanaël. Ils ont les mêmes problèmes à quelques détails prêts. C'est un des seuls en qui il pourrait accorder sa confiance, quand bien même il ne le fera jamais.

Si tout paraît absolument calme et normal, Shea repère un danger. Il la voit, la sauvage, la lionne en cage. Celle qu'il voit secrètement, la fille à qui il fait du mal, pour ensuite se sentir plus coupable que n'importe quelle personne. Elle est là, Rosaë. Les yeux fermés dans une ruelle, exposée au danger, flirtant avec la mort. Les sentiments s'entremêlent en Shea. Peur, incompréhension, rage, passion. Et y a cette phrase qui se répète dans sa tête. Sors-la d'ici. D'un pas plus rapide, il s'avance vers elle. Elle est pas maligne, ça le désole. Elle veut jouer les rebelles, mais elle est à deux doigts de recevoir des coups de fouets, ou pire, il n'ose même pas imaginer ce qu'elle pourrait avoir. Alors, il lui attrape le bras, le serre sûrement trop fort, comme à chaque fois. Et il l'emmène dans un coin sombre, peu vérifié par les Pacificateurs. Une main plaquée contre sa bouche, Shea se rappelle qu'elle doit avoir mal. Par sa faute. Alors, il se contente de coller son index contre les lèvres de Rosie. En espérant qu'elle ne crie pas encore comme lorsque la panique l'avait gagné quelques minutes avant qu'il ne lui donne un coup. « Donne-moi une bonne raison de ta venue ici. » Il lui crache ses quelques mots à la face comme un serpent cracherait son venin. Elle le rend fou. S'appuyant sur le mur face à elle, il vérifie que personne ne les ai vu. Il la maudit d'être ici, elle n'a rien à faire là et tout ce qu'elle va leur attirer sont de nouveaux ennuis. Comme s'ils n'en avaient déjà pas assez, comme si sa lèvre gonflée ne lui avait pas suffi. Shea bloque sur sa lèvre. Il ne la regarde même pas elle, mais juste sa lèvre. Il s'en veut. Et ce regard noir qu'il porte le traduit bien, en même temps qu'il traduit sa colère de la voir ici, en danger.