« Chut, taisez-vous ! » Le silence se fait immédiatement dans la galerie. Trêves de bavardages, les mineurs se remettent au travail, le nez dans le charbon, un nuage opaque et noir imprégnant leurs cheveux, leur peau, leur âme. Le Pacificateur fait sa visite routinière. Fouille improvisée. Ses yeux de lynx ne loupent rien. Mais les hommes se tiennent tranquilles. Sauf un. Qui sort du rang, et lui fait face. Déballe ses poches remplies de contrebande. « Eh bien allez-y, prenez-moi. » Un autre lui intime de se ranger, de se taire, de baisser les yeux. De se soumettre, encore, comme ils l'ont toujours fait. Le Pacificateur a des éclairs au fond des yeux. Il claque des doigts, et sa petite troupe le rejoint automatiquement. Ils l'emmènent, sans réelles explications. Juste parce qu'il faut éliminer l'opposant. Quiconque soit-il. Jads se penche sur son voisin, alors que les Pacificateurs quittent les mines. « C'est qui, ce type ? Pourquoi il a fait ça ? » À côté, le vieillard se redresse. Son dos le torture, mais il n'a pas le choix. Ici, on fait ça jusqu'à crever dans la poussière, jusqu'à s'effondrer dans le caniveau d'une rue du district douze. « La gamine qu'est morte hier dans les Jeux, t'as pas vu ? C'était sa fille. Il n'a plus rien à perdre, à présent. »

« Vous entendez ça ? » La gamine tend l'oreille. Allongée dans l'herbe avec son frère, ils lèvent en même temps la tête vers leur père. « C'est le train de la Tournée qui arrive par chez-nous. Ces gosses bourrés d'or qui viennent se récompenser de leurs crimes. » « Je les déteste ! » Paom pose un regard sévère sur son fils. Quinze ans. À la fois si jeune et déjà si âgé de ce qu'il vit chaque jour. La petite, elle, est encore protégée. Encore pour quelques années. Mais ici, personne ne l'est vraiment. On ne sait plus vraiment s'il faut apprendre à son enfant à être soumis ou rebelle. « Non, il ne faut pas les détester, ça ne changera rien. Eux aussi sont des pions. Allez, debout, sinon on va louper l'heure du couvre feu. » Et les trois silhouettes disparaissent dans la brume.

Ici, au District Douze, le quotidien semble se répéter inlassablement, poussant les habitants à une rude survie. Pourtant, rien n'efface la peur, la soumission, les règles devenues obsessions. La fatigue, la contrainte, la famine. Tant de fléaux qui foudroient les plus faibles. Certains survivent en flirtant avec les règlements, au détriment des risques et des exécutions, qui se multiplient sur la Grand Place. D'autres préfèrent garder leurs volets clos et se terrer chez eux comme de la simple vermine. Tous les ans, les Jeux emportent un ami, une cousine, un fils, ou une soeur. Les quelques rebelles ne sont pas encore assez nombreux. Pas encore assez forts. Assez audacieux. Mais toute révolution commence par une étincelle. Une simple étincelle.

inspiré de l'univers de Suzanne Collins.